Hommage à deux forumeurs

Z comme Zorro

Zorro s’était qualifié à la sueur de son front en finale du tournoi de Ping du camping de Walhala les flots, dans ces contrées nordiques renommées où les chopes de bière s’entrechoquent le mieux en France à l’issue des rencontres.

Il avait défait sans coup férir quelques adversaires plus ou moins aguerris aux noms évocateurs mais néanmoins poétiques, dont le dernier, Don Quichoppe (de la Manche) lui avait donné du fil à retordre.

Zorro n’avait dû son salut qu’à la souplesse légendaire de son poignet ; Il s’était en effet mis en tête de battre Don Quichoppe à son propre jeu, qui se résumait en une seule phrase : je chope donc je suis. Il avait brillamment remporté cette demi-finale à la belle 12 à 10 sur un retour de service volé. Un coup de poignet savamment dosé avait suffi.

Sous son masque qui ne le quittait jamais, (sauf quand sa femme le lui lavait), Zorro s’était senti sourire. Juste l’espace d’un instant, juste avant qu’il n’ apprenne le nom du finaliste : Zarathustra.

Un nom à coucher dehors, songea t il, Il n’est sûrement pas du camping, mais qu’importe, j’en viendrai à bout, n’est-ce pas Bernardo ? fit-il en s’adressant à sa raquette, comme si celle-ci pouvait lui répondre.

_ On peut attendre quelques instants avant de jouer la finale ? le pria Zarathustra.

Zorro en profita pour examiner attentivement la raquette de Zarathustra.

Une raquette à coucher dehors effectivement, pensa t- il.

Un bois sans âge recouvert d’un grip qui semblait avoir bien vécu et …cauchemar ! Deux picots longs , un alligator au nom évocateur s’il en est, sous-tendu par une mousse que Zorro évalua approximativement à 1,5 mm d’épaisseur.

Voilà qui ne court pas les rues, se dit-il.

Voyons voir en revers.

-Mince Bernardo, il va falloir s’employer, le mythique Grass d tecs… toute une histoire dans la communauté pongiste. L’arme ultime des fourbes, il faudra être à la fois aux aguets et au taquet. Ce sera tout sauf une partie de plaisir.

Par acquis de conscience, Zorro fit glisser une balle sur les deux picots.

Au moins Zarathustra n’était-il pas un tricheur. Ses picots ne sont pas lisses, il n’aurait plus manqué que ça.

-On peut commencer l’échauffement si tu veux, lui proposa Zarathustra.

Zorro acquiesça, bien qu’il n’appréciât guère le tutoiement.

D’emblée Zorro se sentit désorienté. impossible de régler ses coups.

Zarathustra ne lui avait guère facilité la tâche. Balles flottantes, sans consistance, attaques éclairs surprises à contre-pieds, voilà qui n’augurait rien de bien folichon.

Les deux minutes réglementaires d’échauffement passées, soit en fait 5 bonnes minutes de supplice ininterrompu pour Zorro, l’arbitre décréta que la partie pouvait commencer.

-Mais auparavant il faudra tomber le masque, fit l’arbitre.

-Jamais sans mon masque, lui rétorqua Zorro. Question d’honneur et de principe même. On est en plein été, j’ai déjà dû tomber la cape et déjà là franchement, j’ai l’air de quoi en short noir ?

-Si Zarathustra est d’accord, je n’y vois pas d’inconvénient alors, dit l’arbitre.

Zarathustra ne fit pas d’histoires et proposa immédiatement de commencer.

Zorro gagna le droit de servir le premier.

Ce fut une partie interminable. Zorro attaqua tout comme à son habitude mais se vit opposer une résistance farouche. Ses balles topspinnées lui revenaient en pleine face telles un boomerang. Il perdit le premier set , de même il perdit aussi le second, sur le même score peu glorieux de 11 à 4.

Zorro était désemparé à l’entrée du troisième set, il perdait mais avait cependant l’impression de tout donner. Il regardait Bernardo pensivement.

Il va me falloir changer de tactique, songea t-il alors.

Chose inconcevable quelques minutes plus tôt, Zorro tomba son masque. Les rares spectatrices le couvèrent d’un œil langoureux. Hé le beau gosse, si ça se trouve, il occupe la tente d à côté…

Zorro joua à la baballe, balles molles sur balles molles , se refusant d’attaquer, reniant tous ses principes. Intérieurement il se sentait l’âme d’un renégat, il

avait renoncé à tous ses principes. Il gagna cependant le troisième set 11 à 8.

Il s’imposa également sur le même score dans la quatrième manche. Zarathustra avait tenté quelques attaques, mais Zorro était en jambes à présent. Il avait ramené les sèches attaques en balles hautes avec une maestria indéniable. Jusqu’à ce que Zarathustra s’épuise.

La dernière manche allait commencer.

Zorro, à défaut d’être totalement serein, se sentait cependant confiant.

On ne change pas une tactique qui gagne, hein Bernardo ?

Mais Zarathustra ne l’entendait pas de cette oreille. Il se mit à ralentir le jeu, à endormir Zorro qui ne se décidait plus à attaquer.

Quelques spectatrices baillèrent.

-Il est beau gosse, mais il doit être un peu ennuyeux au pieu. Il avait montré du panache pourtant en début de partie. Oui, mais il avait perdu. Le pauvre, il faut le soutenir moralement. Vas y mon beau Zorro, on est avec toi , tu l’auras à l’usure le vilain Zarathustra.

10 minutes plus tard, l’arbitre interrompit le cours de l’échange en annonçant :

Règle d’accélération .

Il fit un rapide petit topo au public qui s était massé dans le grand club housse du camping.

Il désigna son assesseur qui serait en charge de compter les renvois.

La partie reprenait, chacun servant à présent à tour de rôle.

Le score était de 5 partout.

Zorro se déchaîna sur son premier service , service long sur le revers, sans effets, avant de promener Zarathustra à gauche, à droite et d’enchainer par un coup droit magistral, le même qui faisait trembler les portes des gymnases du temps de son jeune âge.

Il attaqua derechef, lorsque ce fut au tour de Zarathustra de servir.

Il lui envoya des balles hautes, en profondeur. Zarathustra fut incapable de smatcher correctement.

7 à 5 pour Zorro.

Il avait trouvé la bonne tactique, celle qui convenait pour s’imposer. Il se sentait plein de force et de vigueur à présent.

C’était sans compter sur deux balles volées de Zarathustra.

Le public manifesta par des grognements. Quelques spectatrices fermèrent les yeux.

7 partout. Puis 8 à 7 pour Zorro. 8 à 8 suite à une attaque désespérée de Zarathustra, mais qui fit mouche néanmoins sur le ventre de Zorro.

La sueur collait aux mains des deux protagonistes. Qui s’épongèrent. Le suspense allait grandissant, dans l’air la tension était devenue palpable, chacun comme chacune retenant sa respiration.

Zarathustra avait aussi des partisans, le combat devenait colossal.

Service gagnant de Zorro, suivi d’un service raté de Zarathustra. C’était la balle de match. 10 à 8 pour Zorro. La fin était proche.

Ce fut au moment où Zorro allait servir pour le gain de la partie qu’on vit entrer une furie qui vociférait à tour de voix.

-Bon , où il est encore passé mon homme ? Je lui avais dit , et il m’avait promis, pas plus d une demi heure de ping par jour. Je rentre de la plage et j’apprends qu’il fait un tournoi ! Oh Zorro , tu viens ou faut que je vienne te chercher ? cria la mégère au regard peu amène et aux biceps saillants.

Plus un bruit dans la salle, Zorro semblait hésiter. Il allait servir pour le gain du match. Allait-il devoir renoncer et se soumettre une fois de plus ? Terrible destin que le sien.

-Silence femme !

Ainsi parla Zarathustra d’une voix de stentor.

Zorro se décida à servir. La balle effleura le filet. Service à remettre, Zorro était fébrile et Zarathustra le sentait.

Zorro manqua le service suivant, trop court trop coupé, dans le filet.

10 à 9, service Zarathustra, annonça l’arbitre.

-Dernière sommation, je te préviens que si tu ne poses pas ta raquette immédiatement, je rentre chez ma mère et c’en sera fini à jamais.

-Va où le devoir t’appelle, femme !

Ainsi parla Zarathustra.

Zarathustra servit milieu de table , passa à l’attaque en petit lift rapide. Zorro opta pour le repli défensif.

Bon sang, songea-il , il fallait encore renvoyer la balle 11 fois et le tournoi de Walahala les flots viendrait se joindre à mon palmarès. Sauf que tous ont été interrompus par ma, par ma…

Mégère fut le mot qui lui vint à l’esprit.

Zarathustra enchaîna les gauches droites à toute allure, mais Zorro galopait, un vrai mort de faim.

Plus qu’un renvoi et hop il serait vainqueur.

Zarathustra mit toute sa puissance dans le dernier smatch, que Zorro rattrapa du bout de la raquette.

Sa balle alla s’écraser contre le coin gauche de la table, laissant pantois Zarathustra.

Zorro avait gagné : 11 à 9 au set ultime.

Le public applaudit très fort.

-Félicitations , tu as très bien joué !

Ainsi parla Zarathustra.

-Merci merci à toi, bredouilla Zorro, des larmes aux yeux.

Déjà on entourait le vainqueur, le congratulant à qui mieux mieux.

-Viens Zarathustra je te paie un verre , c’est ma tournée !

D’ailleurs j’offre une tournée générale. Tous au bar tous au Walhala !

-Mais, ta femme ? s’enquit Zarathustra.

-Laisse, fit Zorro. Je crois que c’est de l’histoire ancienne. N’est-ce pas Bernardo ? C’était elle ou toi .

-C’était écrit.

Ainsi parla Zarathustra.

On éclusa quelques gorgeons, on refit le monde, on refit même les matchs.

Bon je crois que j’ai ma dose, fit Zorro quelques heures quelques siècles plus tard. Tu viens Bernardo ?

-Vous avez ma bénédiction.

Ainsi parla Zarathustra.

K comme Killersoft

Killersoft était arrivé en Inde par simple transmission de pensée. Vers les 5 h de l’après-midi, à l’heure où les châtaignes s’assoupissent, il eut une vision. Son maître le demandait, il devait partir à la recherche de la vérité.

C’était son Graal.

Connais-toi toi même, telle serait à présent la devise de Killersoft.

Bon petit soldat, on le demandait et il répondait présent.

C’est ainsi qu’il arriva un peu désemparé dans un coin complètement paumé en Inde, pour ainsi dire le trou du cul du monde.

Killersoft soupira. C’est champêtre ici, au fond ça ne me change guère de l’Ardèche.

Mais où vais-je trouver mon maître à présent ? De plus je ne parle pas sa langue.

Peu importe, songea t-il , si ce n’est moi, c’est lui qui me trouvera. Il faut positiver et savoir rester optimiste, même dans l’adversité.

Je vais avancer un peu et demander mon chemin au vieillard qui se trouve là-bas, non loin de ce temple en ruines.

Effectivement, non loin de là, un vieillard ascète comptait ses roupies. Une deux…

Mais comment vais-je bien pouvoir me faire comprendre de cet autochtone ?songea Killer.

Killersoft s’approcha du vieillard.

Le vieillard leva ses yeux vers Killersoft. Ses roupies avaient disparu, il les avait soigneusement cachées.

-Avance vers moi ô Killersoft, fit le vieillard.

Killersoft tombait des nues. Il y a quelques pensées encore, il végétait en Ardèche et là, il comprenait le sanskrit !

-Mais non crème d’andouille tu ne comprends pas le sanskrit, tu ne vois pas que je parle l’ardéchois couramment.

Killersoft était de plus en plus interloqué.

-Je te taquine mon ami, je voulais juste te signifier que je parlais couramment ta langue : le français. Mais je l’écris encore mieux que je ne la parle, contrairement à toi.

Killersoft se sentit rougir. Ce vieillard semblait tout connaître de lui. Il me connaît sans doute mieux que je ne me connais moi même, pensa t-il.

-Approche Killersoft, n’aie pas peur !

-Bien maître, fit Killersoft.

-Approche voyons, on dirait que la vérité te fait peur.

-N’est-ce pas que la vérité fait peur, Maître ? balbutia timidement Killersoft qui s’apprêtait à s’agenouiller devant le noble vieillard.

-Ne te prosterne pas ! Je te l’interdis !

-Comme vous voudrez Maître. Êtes-vous disposé à m’aider dans ma recherche spirituelle ?

-Si tu entends par recherche spirituelle le « Gnothi seauthon » des grecs anciens, je ne puis le faire à ta place mon jeune ami. Cela m’est rigoureusement impossible.

-Peut-être pourriez-vous m’aiguiller un peu, Maître ?

-Mais dans quel domaine Killersoft ?

Prenant son courage à deux mains (car il vaut toujours mieux prendre son courage à deux mains plutôt que procrastiner jusqu’au lendemain), Killersoft saisit la perche qui lui était tendue.

-Maître, parmi tous les mystères qui peuplent l’univers, il en est un de secret que je voudrais absolument percer.

-Epanche-toi Killersoft, c’est le moment.

Killersoft avait déjà baissé la tête quand son maître le reprit.

-Pas de prosternations avec moi Killersoft. Quand je te dis « épanche-toi » cela ne signifie pas qu’il faille te courber devant moi, cela signifie juste que tu peux me parler à coeur ouvert. Comme à un vrai ami.

-Comme je le fais sur ce forum où je croyais rencontrer des amis, dit tristement Killersoft. Je parle de ce qui me tient à cœur, et voilà que l’on m’y humilie , que l’on me rabaisse, que l’on se moque de moi, et que récemment même l’on m’exclut. Je suis un banni, maître. Voici sans doute la raison de ma présence ici.

-Je suis au courant Killersoft. Sache que tu y as aussi des amis. Il est bon que tu entendes cette vérité. Tu y as des amis cachés qui veulent t’apprendre et te révéler certains secrets de ton noble art.

-Mais qui Maître ? Qui enfin ? Parlez je vous en supplie.

Alors le maître se pencha vers Killersoft et murmura à son oreille pendant un court instant d’éternité qui lui sembla durer des siècles, jusqu’à ce qu’un grand Z n’éclaire vivement le ciel et déchire la toile de la nuit.

Le temple avait disparu, plus de vieillard ascète qui comptait ses roupies. Plus rien.

Killersoft rouvrit les yeux.

Il se trouvait à présent dans un paysage familier, assis dans son fauteuil favori, son chat à ses pieds. Une bonne odeur de châtaignes grillées vint titiller ses narines. Il était de retour chez lui.

C’était l’heure du repas. Quelle chance, songea- t-il, j’ai une faim de loup.

-Hé bien où étais-tu passé encore mon garçon ? lui demanda sa mère en le servant pour la troisième fois. Tu as une faim de loup, pire que d habitude.

-T’étais encore parti courir la gueuse ? le taquina son père gentiment.

-Non non, bredouilla Killersoft qui se sentit rougir instantanément. Ce serait trop long à vous expliquer. J’étais parti à la recherche de la vérité et…

-Et la vérité t’a ramené au pays mon garçon, fit joyeusement sa mère. Ça fait plaisir.

-J’ai fait comme un drôle de rêve. Je dois partir rencontrer mon destin à présent. Je pars demain, je dois le rencontrer. Je serai de retour immédiatement après.

-Comme il te plaira mon gars, fit le père habitué aux lubies qui prenaient son fils parfois.

-Si tu pars demain matin, je te prépare un petit panier repas, avec des victuailles bien de chez nous, tu vas te régaler.

Killersoft était arrivé à présent. Il avait mis du temps à arriver dans ses contrées nordiques lointaines. Puis il avait aperçu la pancarte : « Camping de Walhala les flots ».

C’est là que se trouve mon destin, dit-il à haute voix.

Il avisa le grand club house, entra puis se dirigea vers l’accueil.

On lui demanda son nom. Puis on lui demanda de signer pour confirmer sa présence le lendemain.

Alors Killersoft s’empara vivement du stylo qu’on lui tendait et fièrement il émargea :

Zarathustra.

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Inspiré !!

Impressionnant

Promis, dès que le bouquin sort, je m’engage à le dédicacer à tous mes fans. :+1:

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Excellent :joy::joy::joy:

J’ai pas voulu tout lire :yum:

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Le prix Fond’court est promis à Lapinot pour 2020.

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moi j’irai voir le film directement :stuck_out_tongue:

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@anon99884826 pour ta retraire dorée tu devrais ouvrir ce camping !!!

Un camping spécial « ping ». :heart_eyes:

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Le camping-pong

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Encore mieux, même si c est de très mauvais goût, mais cadeaux aux vieux :grin:
Faut ouvrir le camping Walhala sur bdx avant le mois de mai !!!

Je pense que nous avons perdu Lapinot, le pauvre a craqué lol

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Je pense qu’il a mangé trop de « Carottes de Patagonie » (pour ceux qui connaissent)

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en tout cas j’ai eu peur en lisant le titre du sujet, je m’attendais à une oraison funèbre suite à un accident…

Un jour surement ! :grimacing: :wink:
Mais plus tard, j’espère…

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Non non ça va je suis toujours là

Mea culpa le titre pouvait prêter à confusion

Lapinot mon héros de bd

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Je rajoute une petite histoire écrite juste avant la fin du confinement.