Enseigner sans maîtriser

Je ne sais pas si il y a tant que ça de sports où on ne laisse pas la place au geste individuel. A mon idée (qui vaut ce qu’elle vaut, je n’ai aucune prétention en tant qu’entraîneur), c’est toujours un mélange de tout ça. Dans un sport donné, pour un geste donné, on a une idée à un instant T des principes à respecter pour qu’un geste technique soit efficace. Et on tente de former les jeunes en leur inculquant des gestes qui respectent ces principes. Mais de toutes façons chaque sportif va en sortir une approche personnelle qui fera que son geste sera personnel au final. Dans certains cas, et même régulièrement, un sportif va, avec son geste personnel, venir à l’encontre des principes qui lui avaient été inculqués à l’entraînement.
Si je prends pour exemple le ski, la vidéo est ultra utilisée et depuis longtemps. Sur les forums de ski il y a des quantités de sujets qui décortiquent la technique de tel ou tel champion, et ça fait des dizaines d’années que la vidéo est exploitée. Pour autant chaque skieur a sa propre technique et de temps en temps tu as un mec qui vient bouleverser des données techniques qui étaient enseignées depuis des années parce qu’avec sa technique perso il vient tout remettre en question.
On ne skie plus du tout aujourd’hui comme il y a dix ans… ni comme il y a vingt ans… le matériel a beaucoup évolué et a sa part de responsabilité dans ces évolutions, mais pas seulement. Il y a seulement quelques années un skieur a chamboulé complètement la technique en virage, alors qu’il skiait avec le même matos que les autres…je n’arrive pas à me souvenir de son nom, mais le mec est carrément assis dans les virages ! Il y a aussi des sensibilités différentes suivant les pays, en Italie la technique est différente de l’école française…
Au volley, sport ultra technique, on pourrait croire qu’il n’y a qu’un geste efficace et un seul, et pourtant chaque joueur a sa technique propre, et on nous enseignait à la formation d’entraîneur régional que, si il fallait donner des indications aux joueurs qu’on formait, il fallait laisser la place à l’improvisation et à la personnalisation, parce que ce n’est pas toujours parce qu’un joueur a un geste peu académique qu’il n’est pas efficace.

Enfin, une autre réflexion qui me vient… on parlait de panier de balle, au-dessus… il y a un truc que j’adore avec le panier de balle, c’est que tu joues sans réfléchir, et que cette “déconnexion” entre le cerveau et le corps associée à la répétition des balles fait qu’au bout d’un moment, ton corps trouve tout seul le geste qui fonctionne. C’est comme si le corps s’adaptait à la fonction et quand tu fais des tops en série, à un moment tu te mets à envoyer des scuds, sans toujours savoir comment tu as fait, mais si tu poursuis la série, tu t’ancres ce geste efficace dans le corps et tu le fais sans réfléchir. Et c’est pas suite à des explications extérieures ni à la tentative de copier un geste.

Bref, pour moi les différentes approches sont complémentaires et ne s’excluent pas forcément les unes les autres. Du coup je pense qu’il n’y a pas forcément besoin pour un entraîneur d’être meilleur que son élève ; par contre il faut quand même avoir des bases de jeu et surtout une grosse culture ping pour espérer entraîner à haut niveau. Et il faut quand même avoir un petit niveau technique pour entraîner des débutants. De toutes façons si tu fais les stages d’entraîneur, ça t’amène vite à avoir un niveau au minimum départemental et souvent régional.

Je ne crois pas aux sensations personnelles pour trouver le geste “idéal”… Il suffirait de s’entrainer beaucoup pour trouver soi-même le bon geste. Les pros s’entrainent beaucoup, ont tout le temps pour ça et pourtant, ils se font aider, perdent parfois le geste, le retrouve, …
Certains se filment à l’entrainement quand ça va bien, puis quand ça ne va pas pour MESURER les parfois très (faibles) écarts entre la gestuelle qui marche et celle qui ne marche pas : ils ne sont pas tjrs capable de le détecter par eux-mêmes.
Ou certains arrivent au bout de la performance de leur gestuelle “personnelle” pourtant bien rodée et il faut “reconstruire” un geste (ou suite à une blessure). Les exemples ne manquent pas chez les pros du basket par exemple.
Au ski/cyclisme/…, ils passent tous en soufflerie pour prendre la “bonne” position même il y a forcément une adaptation due au morphotype. et même dynamiquement, les passages sont comparés, mesurés, … après le sportif peut ou ne peut faire autrement :slight_smile:
Tout le monde est filmé, analysé, angle/vitesse/… mesurée …
Pendant des années, tout super pro qu’ils étaient, les cyclistes ne pédalaient pas au mieux. Il a fallu les capteurs de fréquence et de puissance, … des analyses scientifique exhaustives pour les convaincre qu’ils y avait mieux à faire.

Je pense que par exemple les golfeurs sont en avance dans ce domaine. Est-ce culturel ?

on ne filme pas , on n’analyse ^pas ce qui se passe dans la tête, le mental est vraiment des plus important

Au vu de ce que j’ai lu, je dirais, qu’il vaut mieux que l’entraîneur ne fasse pas de démonstration gestuelle, au risque d’être pris pour modèle, et que ça puisse être négatif, mais qu’il indique ou montre les passages obligatoires, ensuite l’observation par les élèves de joueurs très efficaces, leur permettra de développer (ou pas, en fonction aussi de la qualité de leurs neurones miroirs, merci Nicopong) leur gestuelle!
Il n’y a donc pas d’objection à ce qu’un entraîneur de niveau modeste soit performant!
La limite sera surtout ses capacités d’apprentissage, et à mon avis, ne pas être centré sur ses sensations, qui si son niveau est modeste, l’induiraient plutôt en erreur!
Pour ce qui est de l’écoute qu’auraient ou pas les élèves… Je n’ai pas l’impression qu’aujourd’hui, le fait d’avoir fait «ses preuves», donne un gros avantage, nous sommes dans une remise en question permanente «des vérités» et il suffit fréquemment, à un élève d’être en difficulté malgré son entraîneur pour douter très vite de ce dernier!
Donc avantage s’il y a à avoir un bon vécu, il sera de courte durée…

Ben regarde un virage de Tomba, un d’Herman Maier, et un de Bode Miller et dis moi s’ils ont tous la même position et la même technique… pourtant tous trois ont dominé leur sport au niveau mondial et pas à des dizaines d’années d’écart…
Ensuite quand tu parles de geste idéal tu penses à quoi ? Que les pros se filment et travaillent en permanence à améliorer leur geste, ok… cela n’exclue pas que toi en faisant un panier de balle tu vas sentir des choses qui vont ou qui ne vont pas…
D’ailleurs j’ai pas non plus dit qu’on pouvait partir d’une feuille blanche, prendre un débutant, ne rien lui expliquer, lui dire « vas y tope jusqu’à ce que tu trouves le geste idéal » et hop panier jusqu’à ce qu’il y arrive… mais à côté de ça combien de joueurs de bon niveau sont arrivés où ils en sont en « juste » jouant ? Quelques uns quand même, je trouve. Quand je vois qu’un mec dans ma région, à 50 ans, sans entraînement spécifique, est monté de 11 à 16 en un an, en épinglant au passage un ou deux numéros, juste en bouffant de la table et avec un geste exactement à l’opposé total de ce qu’on enseigne à l’entraînement, je me dis que le corps a quelques ressources qu’il ne faut pas sous estimer.

Comme je disais je pense qu’il y a plusieurs mécanismes qui peuvent se compléter. Le mécanisme de copie dont parlait @nicopong1 est parfaitement documenté, on peut en rapprocher la projection mentale aussi. Le fait de jouer, jouer, jouer jusqu’à sentir la balle fonctionne aussi. Bosser tous ses entraînements à la vidéo, aussi… réfléchir à la bio mécanique du geste, aussi… bio mécanique qui peut d’ailleurs changer en fonction de l’âge, des contraintes physiques de l’athlète, sa génétique, son passé sportif ou extra sportif… comme un Jim Courier qui invente un nouveau coup droit en le tirant de son expérience du base-ball ou un Tiger Woods contraint de modifier son swing qui était pourtant on ne peut plus efficace…

Par contre je pense que la réponse à la question : quel est le geste de topspin idéal au ping ? N’aura jamais de réponse définitive.
Ça dépendra toujours du mec qui tope… et ça tu n’y peux rien.

J’ai oublié de parler d’un détail! Dans notre sport la qualité de ce que l’on fait compte mais ce qui plus encore… c’est ce que perçoit l’autre, en face!
Si tu as une technique médiocre et particulière, mais qu’elle est difficile à lire, tu seras plus efficace qu’un joueur avec une belle technique bien… lisible!

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D’accord avec ton propos!

oui, ça c’est encore une autre approche, mais si l’entraîneur est capable d’exploiter cela grâce à son oeil externe affûté, ça peut sans doute apporter beaucoup au joueur, même sans toucher à sa technique de base. Surtout que notre sport se joue vite et qu’on a très peu de temps pour réagir.

Au ping je ne sais pas trop sinon ça se fait ailleurs (influence de pensées négative, influence des conditions externes, influence du score, du type de match, de l’influence de l’importance de la compétition…) sur la performance individuelle.

De fait, on constate qu’a coté des autres sports, le ping a développé assez peu d’outils d’aide à la performance, quelque soit le niveau. Dire que les sportis ont des styles différents ne veut pas dire qu’ils ne sont pas tous à la recherche d’un geste “idéal”. Cet idéal visé peut-être très différent avec les progrès technique/bio mécanique/… et on peut être un champion avec une technique perfectible ! les baksetteurs sont loin de faire 100% au lancer francs. Et pour autant, tout champion qu’ils sont, ils se font aider pour s’approcher de ce geste idéal.
Au ping, Le coach “diplômé” est minoritaire, la vidéo aussi, … c’est un sport ou on compte beaucoup sur ses sensations et je pense qu’on a tord …

Peut-être que tu as raison, je n’ai pas assez de connaissance du haut-niveau pour te répondre sur ce point, mes interventions sont juste le fruit d’une réflexion personnelle. Si le coach diplômé et la vidéo ne font pas partie intégrante de l’entraînement en ping, c’est peut-être par manque de moyens ?

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Du mimétisme on en fait au début même si c’est parfois inconscient. Que ce soit pour les exo ou gestes techniques. On va analyser et tenter de reproduire les gestes des meilleurs joueurs de son club, d’un adversaire qui a des bons gestes ou des joueurs pro comme Timo Boll ou Ma Long.

Et puis même si on essaie de reproduire une gestuelle, il est impossible de la reproduire exactement (on aura pas la même ouverture de raquette, vitesse de bras, amplitude de mouvement, hauteur de prsied e balle, etc).
Après la gestuelle se fera en fonction des aptitudes physiques, techniques et éventuelles remises en question coach et joueur.

Et un joueur aura beau analyser le top spin de Ma Long pendant des milliers d’heures, il n’aura pas le geste de Ma Long, il aura son propre geste, même s’il peut ressembler un peu à celui de Ma Long.

Voilà! Donc ne pas montrer c’est exclure un moyen potentiel pour l’élève de mieux intégrer ce qu’il a à faire…
Je pense aussi qu’il faut adapter l’approche en fonction des individus, tous n’ont pas les mêmes besoins en informations visuelles.
@rotasses, quelques passages essentiels de l’article :

En vous voyant prendre votre tasse de café, en l’expérimentant moi même, je saurai que vous allez boire. Ce système de neurones miroirs nous donne une compréhension réelle, une connaissance sur la forme et le fond du mouvement de l’autre. Ce « vécu » nous livre l’intelligibilité d’une action; il nous rend capable de nous situer au-delà d’une description. Et d’anticiper ; je pourrais vous dire à ce moment là, « Attention, c’est chaud ! »

En gros, on pourrait dire qu’une démonstration vaut mieux qu’une description…

Le rôle principal des neurones miroirs est donc de comprendre les gestes moteurs effectués par autrui en les comparant à son répertoire moteur propre.

On adapte donc nos gestes en fonction de ceux que l’on observe, on ne les copie pas bêtement.

L’activité de ces neurones miroirs est en étroite corrélation au degré d’habileté ; plus je maîtrise une action, plus mon système miroir s’active lorsque je l’observe chez quelqu’un d’autre. D’où l’importance de la pratique. La familiarité visuelle n’est pas toujours suffisante. Il faut voir et agir.

Néanmoins, il semble intéressant de noter que l’imitation est un processus très avancé ; complexe dans ses connections, elle est finalement davantage propre à l’homme qu’au singe. L’idée très répandue que notre cerveau fonctionne uniquement par déductions logiques et cartésiennes compliquées est obsolète.

En parlant des artistes, mais ça pourrait aussi bien s’appliquer au sport, comme en parlait @anon73610925 :

Chacun a imité avant de proposer quelque chose de nouveau.

On est assez loin de l’idée qu’en copiant, imitant un geste, on va s’éloigner de ce qui marche le mieux pour soi, puisqu’au final on peut aussi être capable de faire mieux encore!

Oui, j’avais lu Nico, je parlais plus pour l’initiation… mais j’avais manqué d’attention sur la correction personnelle qu’on apportait de toute façon!

Sans doute, et puis la dimension Loisir reste importante au ping, même pour les pratiquants en compétition… on se fixe peu d’objectifs chiffrés, et on met peut de stratégie en place pour y arriver.
Regarde en course à pied l’attention que mettent les amateurs à préparer leurs saisons, leurs entraînements, l’argent dépensé en application/montres/…
J’ai pour voisin des champions de Tir à l’arc (beaucoup moins de licenciés que le ping, très très peu de pros, pas de converture médiatique, …) : ils ont des livres de référence super pointus rédigés par les meilleurs entraîneurs du monde, des applications spécifiques, des cours en ligne, des stages, des workshop accessibles aux amateurs passionnés… ça me fait rêver :slight_smile:
Imagine si Liu Guoliang se lançait dans l’écriture d’un bouquin de référence, expliquant toutes les exos, la préparation, le “pourquoi” de chaque geste, la respiration, la préparation du matériel… ben eux ils ont ça :frowning:

Au golf c est pas culturel c est que le geste qui parait naturel a quelqu un qui ne joue pas, est tres tres technique.

Le Ping a effectivement une image loisir qui lui colle à la peau. On en parlait dans le sujet sur la préparation physique, quand tu t’echauffes au Ping tu passes pour un blaireau… c’est le seul sport comme ça… quand tu parles matos, on te répond « c’est pas la raquette qui fait le champion » et quand tu prépares une saison physiquement t’en auras toujours un pour te dire « j’aurai pas besoin de ça pour te battre », de même quand tu essayes de mettre en place un entraînement dirigé y’en aura toujours pour dire « j’ai pas besoin de ça »… si on te laisse faire tout ça c’est déjà beau !

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C’est compliqué cette opposition entre une approche loisir “pas d’échauffement/peu de prépa matériel/peu de réflexion sur les schémas de jeu/jamais se filmer/jamais se cultiver et même très très rarement voir du haut-niveau … pourtant accessible (qui connait les tops joueurs ?)” et cette opposition farouche à la table ou la duel est plus important que la progression des 2 joueurs…
Si je caricature, la plupart des joueurs ne préparent rien, n’optimisent rien mais jouent “à la vie à la mort” les matchs…
Quand on regarde comment les débutants en course à pieds préparent leurs objectifs :frowning:
Ceci dit, c’est un constat, je n’ai aucune solution :frowning:
Mais ça explique le peu d’exigence que certains ont de "l’entraîneur " et la complexité pour un entraîneur de proposer quelque chose à des publics pourtant compétiteurs aussi varié.
Du coup, je pense qu’au début du ping, un type motivé (quelque soit son niveau) peut faire progresser assez vite et ensuite, il faut se rapprocher d’une structure (club, CD, stages, …). Mais ça ne marche que pour les jeunes.

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Ouais, ça, je sais pas… les structures, CD, stages, donnent souvent un enseignement peu personnalisé. Je pense qu’un entraîneur motivé, cultivé, qui se creuse la tête, regarde des vidéos (le net en fournit maintenant une quantité non négligeable), filme son joueur, le coache aussi, peut apporter davantage à un joueur qu’une grosse structure. J’ai fait des stages de CD qui étaient parfois assez décevants en terme de contenu, j’ai suivi aussi des entrainements dirigés qui étaient assez pauvres aussi… ça dépend des capacités de l’entraineur.
On se demande s’il faut maîtriser pour enseigner ; je pense qu’une maîtrise minimale est indispensable, en particulier pour prendre en charge des débutants. A partir de là je pense que c’est surtout la motivation de l’entraineur, la motivation de son ou de ses joueurs pour le suivre, qui va être déterminante pour le succès de la collaboration entre eux. Et les données sont encore bien différentes selon qu’on parle d’entraîner un joueur, plusieurs joueurs, des jeunes, des adultes, un club entier… il y a finalement tellement de paramètres à gérer que l’aspect “maîtrise technique” de l’entraineur m’en paraît secondaire, pourvu évidemment qu’il ait un minimum requis par rapport aux joueurs qu’il entraîne. Après il est plus important d’être bon comme relanceur au panier que comme technicien quand on veut être un bon entraîneur, je pense.

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Ok, mais il y a des gestes techniques dans tous les sports non ? prendre des cours de golf, ça parait normal à tout le monde, pour avoir le meilleur geste possible. Pareil au tennis. Mais pas au ping ? Même pour faire du vélo, j’ai pris des cours …